Le courage de penser l’avenir. Études œcuméniques de théologie fondamentale et ecclésiologique

Christoph Theobald
Theology - reviewer : Anne-Marie Petitjean a.s.

À l’exception d’un inédit (en tête de la 3e partie), cet ouvrage rassemble des articles parus, à une exception près, entre 2015 et 2020. Ainsi, ces articles sont consultables plus aisément, ce qui est appréciable. Mais il y a plus. L’ensemble est organisé et cette organisation relève d’un geste théologique. Certains articles ont d’ailleurs été revus en fonction de ce projet. Une substantielle introduction initie le lecteur à l’agencement de ce recueil. Sa lecture, en elle-même, est d’un grand bénéfice et les points de suspension qui relient les titres articulent judicieusement les parties un et deux puis trois et quatre : 1. « Dans les traces du concile Vatican ii… » (5 articles) ; 2. « …la nouvelle perspective du pape François » (5 articles) ; 3. « L’invitation à revisiter les fondamentaux… » (7 articles) ; 4. « …dans un esprit œcuménique » (4 articles).

Dans la première partie, l’A. propose d’inscrire nos pas « dans les traces de Vatican ii », d’en reprendre le geste et donc de discerner dans le temps qui est le nôtre de quelle manière l’Évangile de Dieu pourrait y être recevable. La seconde partie montre combien le pape François est témoin d’une telle inscription. CT relève également son approche de la spiritualité chrétienne comme « style de vie prophétique et contemplatif », soulignant ainsi un déterminant important de la théologie et du « courage de penser l’avenir » : être tout à la fois critique (par l’écoute fraternelle de l’autre) et contemplative parce que portée par un regard d’espérance sur le monde.

La troisième partie développe les attendus proprement théologiques d’un tel courage spirituel : l’essentiel de la foi et les fondamentaux de la tradition chrétienne auxquels il faut sans cesse revenir. Parmi ces fondamentaux, la « structure élémentaire » et ternaire de cette tradition est mise en valeur. Cette structure articule à l’Évangile du Règne, non seulement ceux qui l’annoncent mais aussi ceux qui le reçoivent car cet Évangile est déjà mystérieusement présent en ceux vers lesquels le disciple missionnaire est envoyé. Ce qui est transmis comme ce qui est découvert témoigne de « l’économie historique de la Révélation en relation “réciproque” avec tous ses destinataires ». Ce fondamental requiert de « prêter attention au long terme de la tradition » et donc à l’historicité des figures dans lesquelles s’est exprimé l’essentiel chrétien. Le théologien adopte ainsi « une attitude d’apprentissage », à la croisée de ces axes manifestant la « pastoralité de la doctrine ».

L’esprit œcuménique auquel est consacrée la quatrième partie relève des fondamentaux de la tradition chrétienne. Il révèle en effet et pour sa part cette pastoralité de la doctrine. L’œcuménisme, en effet, n’y est pas considéré comme un phénomène marginal, un traité et une pratique parmi d’autres. Il caractérise au contraire cette attitude d’apprentissage appelée par la structure ternaire de la tradition. La reconnaissance d’autres porteurs de cette tradition et donc de sa « pluri-dimensionnalité » (comme il est des porteurs différents au cours du temps) appelle à « reconduire la complexité de la tradition chrétienne vers son cœur théologal » et à prendre au sérieux l’incorporation au Christ impliquée par la reconnaissance d’un même baptême. S’il y a sacrement, il y a Église et donc ecclésialité des communautés dans lesquelles est donné ce baptême. La démarche esquissée en 1983 dans les thèses publiées par Fries et Rahner est plusieurs fois rappelée. Elle dessine l’itinéraire et les étapes d’une possible unification : le discernement des signes des temps, la réinterprétation de la substance vive de la foi – dont sa visibilité ecclésiale – et le respect de l’altérité comme apport indispensable à l’unité. Pour CT, la fragilisation actuelle du fait chrétien et de la transmission de la foi pourrait se révéler un kairos en appelant, moyennant conversions et réformes, à une institution provisoire qui donnerait forme à une véritable unité dans la foi, forme qui se situerait entre les instances actuelles de dialogue et un futur concile d’union. La « communion polyédrique » des Églises se nourrirait ainsi davantage de l’échange de leurs dons et, ce faisant, se ferait servante du dialogue social. Viser une telle institution appelle des gestes forts, tel celui de la communion de l’autel, l’eucharistie étant pain pour la route et pas seulement expression ultime de l’unité. Un tel courage suppose toutefois de la patience tant il est d’avertissements, de résistances, sans oublier les événements historiques, telle la chute du mur, qui ne manquent pas de perturber le désir œcuménique. Or l’unité ne peut advenir que si elle est réellement désirée, d’où le rappel de la prière pour l’unité qui, seule, peut faire naître et entretenir un tel désir et les conversions qui l’incarnent.

Qu’il me soit pardonné d’avoir particulièrement rendu compte de cette dernière partie d’un livre dont bien d’autres richesses mériteraient d’être soulignées. Celle-ci devrait stimuler les ouvriers envoyés dans le champ de l’œcuménisme mais l’ensemble du livre, comme l’indique son sous-titre, a pour vocation de rappeler à tous l’esprit œcuménique de la tradition chrétienne qu’entendent transmettre toutes les Églises. Que le courage de penser l’avenir soit donné aux uns comme aux autres ! — A.-M. Petitjean a.s.

newsletter


the journal


NRT is a quarterly journal published by a group of Theology professors, under the supervision of the Society of Jesus in Brussels.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgium
Tél. +32 (0)2 739 34 80