Lettres d'Égypte 1905-1908. Avant-propos du RP Henri de Lubac membre de l'Institut

Pierre Teilhard de Chardin
Biographies - reviewer : Paul Detienne s.j.
Après Genèse d'une pensée, Lettres (1914-1919), voici la suite des lettres de Pierre Teilhard de Chardin à ses intimes. Durant les trois années (19051908) qu'il a passées en Égypte, le jeune Teilhard, professeur de sciences au collège de la Sainte Famille (Le Caire), a envoyé à sa famillequelque 68 lettres que le p. de Lubac, tout conscient qu'il fût de leur intérêt mineur, publia intégralement en 1963. Teilhard y décrit ses excursions géologiques, ses découvertes de fossiles, ses collections de coléoptères. Il lui arrive occasionnellement d'évoquer «les rues tortueuses encombrées de chameaux, de pastèques, de moutons et d'Arabes». De ces derniers, on ferait vite des amis; ils sont très heureux qu'on leur parle et ils acceptent avec joie qu'on leur cause de vérités morales et même religieuses. Seulement voilà, Teilhard ne connaît pas, et n'étudiera pas, leur langue. Il regrette d'ailleurs que ses élèves doivent perdre leur temps à apprendre «une langue littéraire, toute de formules, et qui n'est pas sans analogie avec les caractères chinois». Ni la culture ni la religion ne semblent retenir son attention: il présente tant le ramadan que la semaine sainte comme de simples repères chronologiques. Les musulmans buveurs d'alcool sont excusables «car s'il leur fallait suivre toutes les prescriptions du Coran, la vie moderne ne leur serait vraiment pas abordable». Invité à adresser à ses élèves une parole d'édification, il avoue: «C'est là une obligation peu intéressante… J'aime mieux faire une classe qu'un sermon.» Sa retraite annuelle ne l'enthousiasme pas davantage: comme la plupart des choses salutaires, c'est plus utile qu'amusant. Concluons avec le p. de Lubac: au Caire, il ne s'est pas encore pleinement trouvé.
Le 2e recueil, publié en 1965, s'adresse prioritairement à tout lecteur intéressé par les débuts des recherches scientifiques de Teilhard. Durant quatre années d'études théologiques en Angleterre (19081912), suivies, après son ordination sacerdotale, de deux années d'études paléontologiques à Paris, Teilhard entretient avec sa famille une correspondance bimensuelle, tout empreinte de tendresse, et pudiquement muette sur ses réflexions théologiques et sur sa vie spirituelle: «La théologie n'est pas tous les jours bien amusante… Je vais aller prêcher, cela ne m'amuse pas autrement». Lorsqu'il parle de «méditation», c'est devant les peintures quaternaires d'Altamira, «vestiges d'une humanité antérieure à toute civilisation connue». Dans les coups durs (décès d'une soeur, grave maladie d'une autre), il s'en réfère, avec une émotion sincère, aux thèmes traditionnels: volonté de Dieu, valeur salvifique de la souffrance, récompenses éternelles. Le sujet de ses lettres? Le temps qu'il fait (souvent détestable du côté d'Hastings), les anniversaires familiaux, ses rencontres avec des spécialistes, ses randonnées géologiques et leur butin (une fougère fossilisée, une molaire d'éléphant, des traces de pas d'iguanodon…), et toute matière susceptible d'intéresser son père et ses frères: la botanique, l'entomologie, l'ornithologie, la chasse. Doué d'un remarquable esprit d'observation, il offre à ses correspondants des descriptions précises (un troupeau de 63 vaches) tout en accumulant des formes grammaticales rares (nous fûmes, nous ouïmes, que je susse, qu'ils vinssent) et en privilégiant l'adjectif «joli». Relevons, dans l'index onomastique, une confusion entre Joseph-oncle et Joseph-frère. - P. Detienne sj

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