L'A., prêtre missionnaire canadien, nous propose un tableau
agréablement érudit de la mondialisation (en ses aspects divers:
économique, politique, social, culturel) et de sa répercussion dans
la question missionnaire. Il reproche à la mission traditionnelle
une surévaluation de l'enseignement, scolaire et occidental, des
vérités de la foi, au détriment de la proclamation des valeurs
vécues et prêchés par le Christ: ne porte-t-elle pas une part de
responsabilité dans le génocide rwandais? Sans jouer au théologien,
l'A. cherche un nouveau paradigme, et il en explore aventureusement
les caractéristiques, synthétisés en quelques titres: non à la
substance; non à tout dualisme; pluralisme; vision holistique; tout
change; hommes et femmes; sens et éthique; prophète plus que roi et
prêtre Il se sent en cela conforté par Fides et ratio, qui nie
l'existence d'une philosophie catholique. La révélation ne crée pas
une culture transcendante. Il n'y a pas de religion parfaite ni de
credo qui manifeste la totalité de la vérité: toutes les religions
ont à avancer et à se convertir. Dans un monde globalisé, la
mission devient l'effort de l'humanité tout entière, de toutes les
cultures, de toutes les traditions religieuses, sociales et
spirituelles. Témoignage de vie plutôt qu'enseignement, elle ne
peut plus être construite comme l'expansion d'une seule religion;
elle est invitée à instaurer un dialogue interreligieux et à
accepter de la valeur positive de la pluralité des cultures: sa
tâche, qui ne sera jamais terminée, consiste tout à la fois à
évangéliser les cultures et à inculturer l'Évangile. Fidèle à sa
vocation d'humanisation (Dieu se fait homme pour que l'homme
devienne Dieu), elle se doit de s'attaquer aux structures injustes
politiques, sociales ou économiques… consciente de ce que
l'altruisme néocolonialiste de l'Occident, avec son assistance
technique et son aide humanitaire, provoque une déculturation du
tiers-monde.
N.B. Deux affirmations de périphériques font problème. Les Anglais,
soucieux d'éliminer la concurrence indienne, ont-ils réellement
coupé les doigts des tisserands? Les symphonies de Beethoven
sont-elles vraiment universelles? Tagore et Gandhi avouaient n'y
rien comprendre, et aucun Indien ne s'est jamais présenté au
Concours Reine Elisabeth. - P. Detienne sj