Au contraire du pardon, auquel il n'a réfléchi qu'en fin de
parcours, la question du mal s'est posée à Paul Ricoeur tout au
long de sa réflexion. On trouvera dans cet ouvrage un inédit
du philosophe consacré au mal chez St Augustin. Isabelle Bochet,
qui l'édite, lui consacre une substantielle introd. À son avis, il
s'agit d'une étude datant de 1960. Sa rédaction remonte à n'en pas
douter avant les deux études consacrées au péché originel dans
« Le Conflit des interprétations », qui est de 1960-1961.
Ricoeur connaissait très bien les écrits antimanichéens d'Augustin,
mais fort peu les écrits antipélagiens qu'il cite de seconde main.
Ces recherches, Ricoeur les avait probablement entreprises pour
prolonger son étude sur la symbolique du mal. Mais s'il ne les a
pas publiées, c'est en raison d'un tournant dans sa pensée. La
place qu'il avait d'abord accordée à une « logique de
l'être » s'est estompée peu à peu au profit d'une
« vision éthique ». L'impossibilité d'intégrer le mal à
la pensée spéculative, sans le réduire, le conduisait à chercher
l'intelligibilité du côté d'une histoire sensée, et lui faisait
abandonner l'ontologie au profit de l'herméneutique :
« la réflexion doit devenir interprétation ». On trouve
également dans ce livre 4 contributions à une journée d'études
organisée par le Centre Sèvres et le Fonds Ricoeur, à l'occasion du
centenaire de la naissance du philosophe. Le p. Alain Thomasset y
cite cette phrase de Ricoeur qui montre que le pardon fut, à propos
du mal, l'ultime pensée du philosophe : « L'énigme du mal
creuse plus profond qu'elle-même jusqu'à la source d'irrépressible
bonté » (p. 215-216). - H. Jacobs s.j.