Cet ouvrage, coécrit par un théologien systématicien et par un spécialiste des Psaumes, a pour point de départ l’expression « sacramentalité de la Parole », que Benoît xvi a fait entrer dans le Magistère avec l’exhortation Verbum Domini. Constatant la forte polysémie de l’un et l’autre éléments de ce syntagme (« sacramentalité » et « Parole »), Andrea Bozzolo et Marco Pavan se lancent dans une vaste enquête visant à préciser ce dont il s’agit.

Une première partie traite de l’émergence du thème dans le Magistère contemporain (Verbum Domini, Fides et ratio ainsi que les textes du concile Vatican ii) et de ses sources, tant anciennes (Origène, Augustin et Thomas d’Aquin) que modernes (Luther). Une seconde examine neuf passages scripturaires mettant en scène de manière privilégiée la lecture rituelle des livres saints (pour l’AT : Ex 24, Jos 8, 2 R 23, Ne 8, Jr 36 et Né 9 ; pour le NT : Lc 4,16-30, Lc 24 et Jn 6). Une troisième mobilise trois théologiens du xxe siècle, offrant pour chacun une mise en perspective : pour K. Rahner et sa théologie de l’Église proclamant la Parole comme sacrement fondamental, le « contrechant liturgique » de G. Bonaccorso ; pour E. Jüngel et son recentrement de la sacramentalité sur le Christ dans son irruption souveraine, le « contrechant herméneutique » de P. Ricœur ; pour L.-M. Chauvet et sa vision d’une sacramentalité du langage et de l’Écriture, le « contrechant phénoménologique » de J.-L. Marion. Une quatrième partie, enfin, se compose d’une « reprise » biblique et d’une « reprise » théologique, qui constituent la conclusion de l’ouvrage.

Dépourvu d’index et de bibliographie, l’ouvrage offre néanmoins par endroits d’importantes notes de bas de page bibliographiques, et l’on peut considérer qu’il répond à son objectif : prendre au sérieux une expression de plus en plus utilisée, et tenter d’en élucider le sens en la référant à quelques grands moments dans l’histoire de la théologie et dans l’Écriture sainte. Sur le plan biblique, on retiendra notamment le fait que l’expression « sacramentalité de la Parole » présuppose une lecture canonique de la Bible et l’adoption de la catégorie d’accomplissement, qui permet de lire les textes à la lumière de la mort et de la résurrection du Christ – une clé herméneutique qui poserait problème dans le cadre d’une exégèse historique, mais qui prend tout son sens dans un cadre liturgique. Sur le plan théologique, au fil des auteurs traités semble affleurer une vision « forte » de la sacramentalité de la Parole : déjà dans l’AT où la lecture ritualisée de la Loi « produit un effet en quelque sorte salvifique » (p. 128), mais surtout chez les trois auteurs étudiés dans la troisième partie, qui laissent envisager une sacramentalité de la Parole comme telle. Au contraire, les conclusions de l’ouvrage en reviennent fortement à la vision « faible » selon laquelle la sacramentalité de la Parole lui viendrait de son lien avec les sacrements, en particulier l’eucharistie (p. 322-324).

Une telle enquête est bienvenue, en ce qu’elle donne un soubassement biblique et théologique à une expression qui pourrait apparaître comme étrangère à la tradition catholique ou être entendue de manière purement métaphorique. L’écart entre la vision « faible » et la vision « forte » invite toutefois à continuer le travail en élargissant la recherche à d’autres auteurs et peut-être en sondant de manière plus approfondie les écrits du Magistère contemporain, de Jean-Paul ii au pape François. — P. Molinié s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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