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Pope Francis, guarantor of the liturgical doctrine of St Pius v

Henry Donneaud o.p.
Should we oppose the motu proprio of Pope Francis Traditionis custodes to that of Benedict xvi, Summorum pontificum, which liberalised the “extraordinary” form of the Roman missal? It is appropriate to examine the principles on which the two pontiffs based themselves in order to express the concrete conditions of the celebration according to the missal of St Pius v. A return to the doctrinal principles which founded the use of the typical Roman Missal by Pius v is decisive here.

Le débat provoqué par le motu proprio du pape François Traditionis custodes n’est pas dépourvu de passion – ce qui ne saurait étonner en matière liturgique. Chose plus regrettable, il manque singulièrement d’enracinement dans la pérennité évolutive et homogène de la doctrine. Comme si les critères affectifs, sentimentaux et subjectifs devaient l’emporter sur l’objectivité des principes catholiques. Certes, les deux documents pontificaux que l’on oppose dans cette controverse portent l’un et l’autre sur une question disciplinaire : la faculté d’user du missel tridentin que le motu proprio de Benoît xvi, Summorum pontificum, avait très libéralement prodiguée en 2007 se voit drastiquement restreinte par le pape François en 2021. Il s’agit bien, dans les deux cas, de fixer les normes d’une pratique : qu’est-il licite de faire ou de ne pas faire, et à quelles conditions ? En ce domaine pratique, les inflexions peuvent être nettes et tranchées, un pontife romain ayant toujours la faculté d’abroger ce que tel de ses prédécesseurs avait décidé dans un contexte différent, en l’occurrence quatorze ans auparavant.

Pourtant, parmi les innombrables commentaires produits ces derniers temps, rares sont ceux qui remarquent comment ces deux documents pontificaux, en leur article 1er, fondent l’un comme l’autre leurs déterminations pratiques sur un énoncé liminaire proprement doctrinal. Car en régime catholique, la détermination disciplinaire du bien à accomplir, le « quoi faire », doit reposer, loin de tout arbitraire passionnel, sur l’explicitation doctrinale de ce qui est vrai, conforme à la vérité des choses, en particulier à la vérité de la foi et de son expression liturgique, le « ce qui est ». La détermination pratique du bien à accomplir, sur une même question, peut varier avec amplitude selon le temps, une décision nouvelle annulant une antérieure en raison de circonstances nouvelles. Il n’en va pas de même dans l’explicitation de la vérité doctrinale. Là, il ne saurait y avoir rupture, renversement, abrogation, mais seulement explicitation, progrès, meilleure intelligence, formulation plus précise. Deux déterminations pratiques successives peuvent diverger, mais elles ne sauraient reposer sur deux principes doctrinaux contradictoires.

I Deux expressions du rite romain ou une seule ?

Prenons donc soin d’examiner les principes sur lesquels Benoît xvi puis François ont fondé leur déterminations pratiques. L’enquête en vaut d’autant plus la peine que, selon les apparences et à lecture précipitée, les deux papes semblent se contredire. François affirme en effet :

Les livres liturgiques promulgués par les saints pontifes Paul vi et Jean-Paul ii conformément aux décrets du concile Vatican ii sont la seule expression de la lex orandi du rite romain1.

Benoît xvi avait quant à lui enseigné :

Le missel romain promulgué par Paul vi est l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Église catholique de rite latin. Le missel romain promulgué par saint Pie v et réédité par le bienheureux Jean xxiii doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la lex orandi de l’Église n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain2.

Si, selon Benoît xvi, le missel de St Pie v et celui de St Paul vi sont « deux expressions de la lex orandi de l’Église », « deux mises en œuvre de l’unique rite romain », comment François peut-il, de son côté, affirmer que le missel de Paul vi et sa révision par Jean-Paul ii « sont la seule expression de la lex orandi du rite romain » ? Comment l’unique rite romain pourrait-il s’exprimer en un seul missel en même temps qu’en deux ? Ou s’il s’exprimait en deux missels en 2007, pourquoi ne le pourrait-il plus en 2021 ? La vérité des choses aurait-elle changé ? Faut-il prétendre qu’un des deux pontifes n’énonce pas la vérité des choses, ou l’aurait altérée ? Seul un lecteur mal averti se laissera prendre au piège de la contradiction. Le théologien sait en effet que les textes du magistère doctrinal, tant extraordinaires qu’ordinaires, se doivent interpréter selon une herméneutique de continuité dynamique, non de rupture et discontinuité, en vertu de laquelle, malgré leurs différences, ils ne s’annulent ni ne se contredisent3.

La vérification est ici aisée. François pourrait-il avoir voulu signifier que le missel de Paul vi est absolument la « seule expression » du rite romain ? Ou qu’il en serait la seule valide ou licite ? Il se contredirait alors lui-même, puisque son motu proprio vise précisément à déclarer licite, certes sous des conditions drastiquement durcies, l’usage actuel du missel de Pie v. Il ne saurait autoriser l’usage, dans le cadre du rite romain, d’un missel qui n’exprimerait aucunement ce rite romain, qui n’en serait d’aucune manière la forme ou l’expression. On ne déclare pas licite l’impossible ou l’irréel. Il faut donc chercher à comprendre comment le missel de Paul vi peut être présenté comme « la seule expression » du rite romain alors même que l’usage du missel de Pie v est déclaré licite dans le rite romain à l’intérieur de limites étroitement circonscrites.

Pour lever la difficulté – et même si François n’y fait aucune allusion explicite –, le théologien dispose d’un instrument doctrinal puisé dans le magistère antérieur, en l’occurrence la distinction posée par Benoît xvi, dans son motu proprio de 2007, entre « expression ordinaire »et « expression extraordinaire » du rite romain. La détermination de François, à la lumière de celle de Benoît xvi, peut alors être comprise de la manière suivante : le missel de Paul vi est la seule expression ordinaire du rite romain, le missel de Pie v ne pouvant être que son expression extraordinaire, ce pourquoi son usage est encadré de façon très restrictive, à la manière d’une exception à l’ordre des choses.

II Ordinaire et extraordinaire

Mais alors, rétorquera-t-on, pourquoi François ne prend-il pas soin de s’appuyer explicitement sur l’enseignement de son prédécesseur, au risque de sembler l’ignorer, le contourner ou l’infirmer ? La réponse à cette objection viendra après que nous aurons déblayé une question préjudicielle : que faut-il entendre exactement par « expression ordinaire » et « expression extraordinaire » du rite romain ? Qu’est-ce que Benoît xvi a voulu enseigner par-là ? On s’étonne en effet que, malgré son importance doctrinale et l’ampleur de ses conséquences pastorales, une telle distinction magistérielle ait été l’objet, depuis quatorze ans, de si peu de commentaires, de si peu d’efforts d’explication. Comme si elle se laissait comprendre avec évidence, immédiatement et sans hésitation, en dépit de son audacieuse nouveauté dans la doctrine liturgique de l’Église. Au risque, ce qui semble bien s’être passé de facto, de prêter à des interprétations déviées et inexactes.

Est appelé « ordinaire » ce qui appartient à l’ordre des choses, à l’essence profonde d’une réalité ou d’un processus, à sa structuration stable et habituelle, à son identité permanente et durable. Les synonymes en sont aisément identifiables, à commencer par l’adjectif « normal » auquel Benoît xvi recourait lui-même en 2007 dans la lettre d’accompagnement de son motu proprio, en parlant de « la forme normale4 » à propos du missel de Paul vi. Est « normal » ce qui exprime la norme, ce qui se déroule selon la norme, selon la loi intérieure d’une réalité. Inversement, on entend par « extraordinaire » ce qui sort de la normalité, ce qui ne relève pas de la norme, ce qui ne correspond pas à l’ordre profond d’un processus ou d’un organisme, ce qui se produit ou se réalise à titre exceptionnel, du fait de facteurs extraordinaires, inhabituels, anormaux. L’extraordinaire est comme une exception à l’ordre des choses. L’extraordinaire n’est pas de soi impossible, irréel, sans quoi il n’existerait pas. Simplement, il n’appartient pas à l’identité durable du processus qu’il affecte5.

En présentant le missel de Pie v comme « expression extraordinaire du rite romain », Benoît xvi ne disait donc rien d’autre que ceci : l’usage du missel de Pie v, quoique ce dernier n’exprime pas l’ordre essentiel, la réalisation normale du rite romain, mérite néanmoins d’être déclaré licite, et largement encouragé, pour autant qu’il permet, dans les circonstances présentes et exceptionnelles liées à la réception du concile Vatican ii, de ramener ou retenir un certain nombre de fidèles dans la pleine communion ecclésiale, en même temps que d’enrichir l’expression normale du rite romain, en particulier par un sens accentué de la sacralité. Un souci pastoral évident a pesé sur cette détermination : sans aucunement remettre en cause le fait que le concile Vatican ii a ordonné une réforme et une adaptation du rite romain, et que le missel de Paul vi, fruit officiel de cette réforme, est devenu l’expression normale, ordinaire du rite romain ainsi réformé, Benoît xvi, prenant acte des difficultés rencontrées dans la réforme liturgique et surtout des souffrances occasionnées chez nombre de fidèles, a étendu généreusement la faculté d’user du missel tridentin comme « expression extraordinaire » du rite romain. Cet unique rite romain, réformé et adapté, s’exprime de façon normale et ordinaire dans le missel de Paul vi, mais tant la prudence que la sollicitude pastorale justifient que son expression extraordinaire soit rendue licite dans un cadre légal généreux.

III L’extraordinaire n’est pas appelé à devenir ordinaire

Mais de ces légitimes considérations pastorales ne découle nullement que « l’expression extraordinaire » soit appelée à devenir « ordinaire », c’est-à-dire à s’inscrire dans une perspective durable, stable, permanente, structurelle, comme si la coexistence de facto de deux expressions de l’unique rite romain pouvait peu à peu devenir la norme, s’inscrire dans l’ordre des choses, dans la structure profonde du rite romain. Or, sans avoir compétence pour nous livrer nous-même à un diagnostic lucide et complet de la situation quatorze ans après le motu proprio de Benoît xvi, nous ne pouvons que prendre acte du fait que, selon François, la notion d’« expression extraordinaire » n’a pas été bien entendue ni mise en œuvre de façon juste. En trop d’endroits et d’occasions, elle a été utilisée comme une porte ouverte vers un usage ordinaire, systématique, durable et exclusif du missel tridentin (avec refus de principe d’utiliser le missel de Paul vi) et donc à l’occultation de facto des décisions du concile qui avait concrètement ordonné une réforme du rite romain. Une explicitation de l’enseignement de Benoît xvi devenait urgente afin d’éclairer les esprits et rectifier les pratiques. Il fallait que les oreilles puissent entendre, que les esprits puissent comprendre. Fût-ce de façon raide et énergique. Et quitte à le faire de manière implicite, pour mieux marquer la gravité de ses enjeux, sans faire référence explicite à la distinction qui, pertinente et utile en elle-même, avait prêté à confusion.

Telle nous semble bien être la portée du 1er article de Traditionis custodes. En enseignant formellement (et pour l’instant sans solennité), avec l’autorité du successeur de Pierre, que le missel de Paul vi est la « seule expression de la lex orandi du rite romain », François fournit un appui solide pour interpréter de façon juste et droite le sens de la distinction entre « expression ordinaire » et « expression extraordinaire » qu’il n’annule pas quoiqu’il ne la cite pas. Il fait ainsi avancer le magistère, puisqu’il éclaire et prolonge l’enseignement de son prédécesseur, de manière à prévenir et même corriger certaines interprétations incertaines, voire laxistes et dangereuses, de la formule « expression extraordinaire ». Il s’agit d’un « extraordinaire » qui par définition doit rester extraordinaire, qui n’est pas appelé à devenir « ordinaire », qui n’est pas en train de devenir « ordinaire », qui n’entrera pas dans l’ordre des choses durable et profond du rite romain. Son usage licite a été concédé temporairement, en vue d’accompagner certains fidèles durant cette période de transition et, comme Benoît xvi l’avait expliqué, pour permettre que certaines richesses de la célébration transmises par le missel tridentin passent effectivement dans l’usage concret du missel de Paul vi (sens du sacré, respect des prescriptions, réintégration de certaines prières particulièrement expressives du mystère eucharistique). Mais la perspective reste une, claire et ferme : l’unique rite romain ne peut, à terme, s’exprimer que dans l’ordinaire d’un unique missel romain. Il y va de l’expression liturgique de l’unité de l’Église et de sa foi, non bien sûr parce que l’unité rituelle serait absolument nécessaire à l’unité de la foi, mais parce qu’elle contribue grandement à la fortifier.

Paul vi avait exprimé clairement ce principe en 1969, lors d’une catéchèse d’accompagnement du nouveau missel juste avant son entrée en vigueur. Dans sa mise en garde, il visait d’ailleurs moins les partisans de l’ancien missel que les fauteurs de trouble qui avaient multiplié sauvagement les innovations liturgiques débridées depuis la publication de Sacrosanctum concilium en 1963. La promulgation du nouveau missel intervenait précisément pour que cesse ce désordre :

Cette réforme met fin aux incertitudes, aux discussions, aux initiatives arbitraires et abusives. De nouveau, elle requiert de nous cette uniformité de rites et de sentiments qui est propre à l’Église catholique, héritière et continuatrice de la première communauté chrétienne, laquelle ne faisait « qu’un cœur et qu’une âme » (Ac 4,32). L’unanimité de la prière dans l’Église est un signe et l’une des forces de son unité et de sa catholicité. Le prochain changement ne doit ni rompre ni troubler cette unanimité. Il doit au contraire la confirmer, l’affirmer avec un esprit nouveau et jeune6.

L’unité de la foi s’exprime de façon privilégiée dans l’unité de la liturgie, laquelle passe par l’« uniformité des rites » et donc concrètement par l’unité du missel.

Lorsque Jean-Paul ii, en 1988, par le Motu proprio Ecclesia Dei, libéralisa sous certaines conditions l’usage du missel tridentin, il en appelait certes à « une conscience nouvelle non seulement de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l’Église la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat7 », mais il n’entendait aucunement remettre en cause le principe doctrinal de l’unité de la liturgie manifestée dans l’usage d’un seul missel romain. Son intention de législateur restait purement pastorale et temporaire – comme en témoigne par exemple une lettre de Mgr Re, substitut à la première section des affaires générales de la Secrétairerie d’État, en réponse à une demande adressée au pape d’accorder à l’ancien missel un statut égal en droit et dignité à celui du nouveau :

Par le Motu proprio Ecclesia Dei l’usage du missel romain approuvé en 1962 a été concédé à certaines conditions. Les diverses dispositions prises depuis 1984 avaient pour but de faciliter la vie ecclésiale d’un certain nombre de fidèles, sans pérenniser pour autant les formes liturgiques antérieures. La loi générale demeure l’usage du rite rénové depuis le concile, alors que l’usage antérieur relève actuellement de privilèges qui doivent garder le caractère d’exception8.

Sans que la formule de « forme extraordinaire » élaborée par Benoît xvi n’apparaisse ici, on trouve déjà formulé l’essentiel de son contenu : le pape a accordé une dérogation à la « loi générale » fixée dans le missel de Paul vi, par mode d’ « exception », donc temporaire, pour des raisons pastorales, sans qu’il soit question d’envisager de « pérenniser » l’ancien missel, à peine de porter atteinte à l’unité liturgique de l’Église, alors même que le rite romain rénové conformément au Concile « est désormais reçu et appliqué avec fruit par la très grande majorité des fidèles ».

François ne peut donc que s’inscrire dans cette ligne doctrinale :

Saint Paul vi, rappelant que le travail d’adaptation du Missel romain avait déjà été commencé par Pie xii, déclara que la révision du Missel romain, effectuée à la lumière des sources liturgiques les plus anciennes, avait pour but de permettre à l’Église d’élever, dans la variété des langues, « une seule et même prière » exprimant son unité. C’est cette unité que j’ai l’intention de rétablir dans toute l’Église de rite romain9.

Aucune discontinuité, ici, entre François et ses prédécesseurs. Un seul et même principe, celui de l’unité de rite comme expression et « signe privilégié10 » de l’unité de l’Église et de sa liturgie, a progressé en explicitation grâce à Benoît xvi mais appelle encore une précision interprétative que François, en continuité dynamique avec son prédécesseur, formule de façon nette et tranchée.

IV De la phénoménologie pastorale à l’ontologie du rite romain

L’explicitation du principe doctrinal de l’unité du rite romain exprimé ordinairement en un seul missel romain oblige en fait le théologien à élever le débat au plan proprement métaphysique. Car l’apport de François, selon le processus de croissance doctrinale homogène du magistère, a pour motif principal de mieux garantir la vérité ontologique de la doctrine liturgique de l’Église. En effet, en interprétant mal la distinction nouvelle posée par Benoît xvi, en la comprenant en termes purement phénoménologiques et pastoraux, sans fondements ontologiques et doctrinaux suffisants, certains fidèles, fût-ce en toute bonne foi, pouvaient en venir à penser ainsi : deux missels romains différents sont de facto en usage à l’intérieur de l’unique rite romain, selon deux sensibilités contrastées ayant chacune leur légitimité ; on distingue l’usage des deux missels, de façon toute nominale et quantitative, en « forme ordinaire » (le plus grand nombre de fidèles) et « forme extraordinaire » (une minorité de fidèles, au moins pour l’instant, puisque celle-ci estime avoir pour elle la jeunesse et les vocations) ; la prégnance de l’idéologie pluraliste et libérale, couverte d’une couche de bienveillance miséricordieuse, incite à laisser les deux expressions progresser en concurrence ; le temps dira si elles parviennent à durer l’une et l’autre, de sorte que, à terme, on finisse par y reconnaître deux expressions ordinaires du rite romain, ou bien si, l’une d’entre elles s’étant étiolée jusqu’à l’inanition – sans que l’on puisse à l’avance savoir laquelle – l’autre reste seule en lice comme unique expression ordinaire du rite romain.

Le précieux apport doctrinal de François porte précisément sur une impossibilité inhérente à l’ontologie sacramentelle : on ne peut concevoir que coexistent ordinairement deux expressions liturgiques différentes de l’unique rite romain. Ce dernier, en effet, n’existe pas à la manière d’une idée platonicienne, dont plusieurs réalisations plus ou moins dégradées pourraient se déployer simultanément. À chaque moment de l’histoire, le rite romain ne subsiste pas ailleurs que partout où l’on célèbre l’eucharistie à la manière concrète dont célèbre la Sainte Église romaine, en particulier son pontife, selon une tradition ininterrompue depuis les origines de l’Église, à travers des réformes successives qui lui viennent de la vie en elle de l’Esprit Saint, source de progrès en même temps que d’une indéfectible fidélité dans l’expression liturgique et sacramentelle de sa foi. Quant au Missel romain, en ses versions successives, il reste l’expression unique, quoiqu’évolutive, de cet unique rite romain actuellement célébré à Rome : il décrit quand, où et comment la sainte Église romaine célèbre concrètement, à cet âge présent de l’histoire de l’Église, le sacrement eucharistique. Une pluralité d’expression de fait, au même moment, quoique légitime en certaines circonstances pour des raisons pastorales, ne saurait aucunement prendre la place d’une unité ontologique originelle, permanente, normale et ordinaire, constitutive de la vie de l’Église unie à sa Tête.

Le commentaire officieux de Summorum pontificum donné a posteriori par Benoît xvi doit être bien compris :

Il ne faut pas croire qu’il existe désormais une autre messe. Ce sont deux manières de l’interpréter rituellement, qui s’inscrivent cependant dans un unique rite fondamental11.

À prendre les choses in absracto, cette remarque visant à fonder doctrinalement l’usage du missel tridentin en parallèle à l’actuel missel romain pourrait valoir également pour une messe célébrée dans le rite ambrosien, copte ou syro-malabar : non pas une messe autre que la messe romaine selon le missel de Paul vi, mais l’expression ou interprétation différente d’un « unique rite fondamental », celui de « la messe de tous les siècles » comme la nomme le Catéchisme de l’Église catholique12. En fait, in concreto, Benoît xvi a bien en vue, ici, le seul rite romain. Mais lorsqu’il parle de cet « unique rite fondamental », il ne parle pas du rite romain tel que le pratique actuellement et concrètement l’Église de Rome et son pontife, mais de l’essence transhistorique du rite romain. Or l’unité liturgique ne saurait reposer uniquement sur une essence intemporelle diversement mise en œuvre à travers les âges, mais sur la réalité concrète d’une liturgie célébrée hic et nunc par l’Église romaine. À la fin du xvie siècle, l’unité du rite romain telle que venait de la promouvoir St Pie v ne tenait pas seulement à son essence abstraite et fondamentale, mais également à toutes les déterminations posées par le concile de Trente puis mises en œuvre par ses soins pour en actualiser l’existence concrète dans le missel tridentin. Pour prendre un exemple, qui se serait alors avisé de continuer à utiliser le missel curial promulgué par Nicolas iii en 1277, quelque grande que fût la proximité de ce document avec ce que sera trois siècles plus tard le missel tridentin, se serait certes inscrit dans l’essence du rite romain fondamental, mais n’aurait pas exprimé l’unité réelle du rite romain promue et exigée par Pie v. Aujourd’hui, de même, la vérité du rite romain ne subsiste pas dans sa seule essence fondamentale, mais dans la mise en œuvre effective de cette essence par l’Église romaine, à la suite des décrets de Vatican ii tels que Paul vi les a mis en œuvre dans le missel romain de 1970. Le rite romain n’existe pas ailleurs, in concreto, que dans la manière dont il est célébré in actu par l’Église romaine13.

Certes, l’Église universelle n’a jamais exigé l’uniformité liturgique. Elle a toujours abrité des rites variés. Pour ne rien dire des Églises orientales et de ses innombrables rites, même St Pie v, qui relaya et poussa pourtant fort avant la généralisation du rite romain dans l’Église latine, n’a pas supprimé un certain nombre d’autres rites vénérables, ceux qui pouvaient attester de plus de deux siècles d’ancienneté et dont plusieurs restent aujourd’hui encore en usage dans l’Église (ambrosien, mozarabe…)14. Il y a place légitime pour la pluralité des rites dans l’Église latine, pour autant que chacun d’eux exprime dans la liturgie les traits culturels et spirituels propres d’une Église particulière ou d’une famille religieuse15.

V St Pie v et l’unicité du missel romain

Par contre, ce qui semble difficile sinon impossible à concevoir dans le cadre de la doctrine liturgique catholique, c’est la pluralité de missels romains différents utilisés simultanément et ordinairement pour exprimer l’unique rite romain. Ce principe aujourd’hui mal reçu par certains pourra paraître rigide, étriqué, appauvrissant. Il n’a pas toujours été perçu, encore moins respecté. Il a pourtant trouvé sa première formulation doctrinale sous la plume de St Pie V, lorsque ce dernier promulgua en 1570, en application d’une demande du concile de Trente, son Missel romain « restitué ». Il s’agissait alors de remédier au grave désordre d’une multitude de missels romains différents, publiés de façon plus ou moins sauvage, qui favorisaient une inquiétante disparité des pratiques, des formulaires, des règles dans la célébration d’un rite qui ne gardait de l’unité romaine que le nom16. Dans la constitution apostolique Quo primum tempore, Pie v lia donc très étroitement, très fermement et très rigoureusement le fait de célébrer selon le rite de l’Église romaine avec l’usage exclusif du missel publié par lui. Aucune célébration du rite romain ne pouvait plus se dérouler en suivant un autre missel, fût-ce d’autres missels romains anciennement en usage. Un unique rite romain ne doit plus s’exprimer qu’au moyen d’un unique missel romain :

Afin que tous et partout adoptent et observent les traditions (tradita) de la sainte Église romaine, mère et maîtresse des autres Églises, afin que, à l’avenir et sans limite de temps, dans toutes les églises et chapelles de tout l’univers chrétien (…) où, par coutume ou obligation, on célèbre selon le rite de l’Église romaine, on ne chante ou récite selon aucun autre formulaire que celui du missel publié par nous, (…)

Nous ordonnons à tous et chacun des Patriarches et administrateurs de ces Églises, à toutes les personnes de quelque dignité ecclésiastique que ce soit, même aux cardinaux de la sainte Église romaine et autres personnes de rang éminent, leur en faisant sévère obligation en vertu de la sainte obéissance, que, abandonnant totalement pour l’avenir et rejetant entièrement tous les autres règlements et rites contenus dans les autres missels, quelque ancienne que soit la coutume de les utiliser, qu’ils chantent et lisent la messe selon le rite, la manière et le mode transmis maintenant par nous dans ce missel et que dans la célébration de la messe ils n’aient pas la présomption d’ajouter d’autres cérémonies ni réciter d’autres prières que celles contenues dans ce missel17.

Frappante est l’insistance avec laquelle Pie v entend fonder l’unité liturgique non seulement sur le rite romain, mais sur la médiation instrumentale très concrète du missel qu’il a lui-même fait rédiger par un groupe d’experts sur commission expresse du concile18. Il convient certes de faire la part du contexte historique – en particulier du grand désordre liturgique antérieur – pour bien interpréter la rigueur extrême avec laquelle Pie v imposa l’usage exclusif de son missel. Héritant d’une situation fort assainie, après quatre siècles d’unité liturgique d’autant moins contestée que les fruits spirituels et apostoliques en étaient évidents, Paul vi, lors de la publication de la nouvelle version du Missel romain, n’eut ni besoin ni idée de s’exprimer de façon aussi catégorique. Le principe doctrinal énoncé par Pie v allait de soi et n’était plus remis en cause : l’usage du missel romain typique est obligatoire pour tous dans la célébration du rite romain19. Il suffisait à Paul vi de l’évoquer avec reconnaissance et fidélité, non sans se placer dans sa continuité doctrinale directe lorsqu’il s’est agi de donner force effective et contraignante au nouveau missel :

Pour terminer, nous voulons maintenant donner force de loi (nunc cogere et efficere placet) à tout ce que nous avons exposé plus haut sur le nouveau missel. En promulguant l’édition officielle (principem editionem) du missel romain, notre prédécesseur saint Pie v présentait celui-ci au peuple chrétien comme un instrument de l’unité liturgique et un témoin du culte authentique dans l’Église. Tout en laissant place dans le nouveau missel « à des différences légitimes et à des adaptations », selon la prescription du iie concile du Vatican [Sacrosanctum Concilium, no 38], nous espérons cependant que ce missel sera lui aussi reçu par les chrétiens comme un moyen pour attester et confirmer l’unité de tous : dans la diversité des langues une même prière montera ainsi vers le Père par notre grand prêtre Jésus Christ dans l’Esprit Saint20.

Pie v, rappelle Paul vi, avait enseigné que son nouveau missel romain, conformément à une demande du concile de Trente, avait été préparé comme « instrument de l’unité liturgique et témoin du culte authentique dans l’Église ». L’autorité et la pérennité doctrinale du décret de Pie v tiennent moins au contenu matériel du missel qu’il promulguait, puisque le missel romain a été depuis lors l’objet de nombreuses révisions par ses successeurs jusqu’à Pie xii, Jean xxiii, Paul vi et Jean-Paul ii, que dans le fait qu’il ait été pour la première fois édité et promulgué par le pape lui-même comme editio princeps, seule expression officielle ou typique du rite romain, dans le but de servir et garantir l’unité liturgique de l’Église romaine21. Le missel romain, en toutes ses révisions ultérieures et quelques nombreuses ou profondes qu’en aient été les modifications, jusqu’à celles que Paul vi réalisa selon les décrets du concile Vatican ii, reste depuis lors l’unique expression normale et ordinaire du rite romain. Lorsque Paul vi promulgua le nouveau missel, il fut d’autant moins question d’abroger l’ancien que la détermination de Pie v, entrée dans la tradition de l’Église, restait pleinement valable : le nouveau missel prit tout simplement la place du précédent. L’expression de l’unique rite romain dans l’unique missel romain est un instrument éprouvé et fécond pour garantir l’unité liturgique, et par là, l’unité de la communion ecclésiale dans l’unité de la foi.

VI Le pontife romain, garant de l’unité du rite romain

De fait, contrairement à ce qu’écrivit un peu rapidement le Cardinal Ratzinger en 1977, Paul vi n’a produit, à proprement parler, aucun « décret d’interdiction du Missel [de saint Pie v]22 ». Il se contenta, par la constitution Missale romanum, de promulguer une nouvelle édition typique du missel romain, laquelle se substituait dès lors à la précédente et devenait ipso facto l’unique expression ordinaire du rite romain. Deux éditions typiques différentes du missel romain ne pouvaient évidemment rester en vigueur en même temps – du moins si l’on se référait, comme il se doit, à la norme établie par Pie v – et même s’il n’était pas nécessaire d’employer pour cela des termes aussi explicites et vigoureux que lui.

Lorsque la Congrégation pour le culte divin, lors de son entrée en vigueur effective, à l’automne 1969, déclara que « l’on devrait obligatoirement utiliser le nouvel Ordo missae23 » au plus tard deux ans après, pour le 1er dimanche de l’Avent de 1971, elle n’entendait pas abroger l’ancien Ordo, mais seulement prendre acte du fait que la plus récente version du Missel romain devenait ipso facto la forme ordinaire ou normale du rite romain, c’est-à-dire celle qui exprime l’ordre ou la norme liturgique de l’Église romaine. Cela n’emportait aucun préjudice pour la faculté que s’est toujours réservée le pape d’autoriser l’usage de l’ancien, de façon extraordinaire, comme n’ont pas manqué de le faire Jean-Paul ii, Benoît xvi et François, pour des raisons pastorales, sans pour autant remettre en cause le principe doctrinal de l’unicité du missel romain énoncé par Pie v.

La nécessité d’une autorisation expresse du pontife romain pour continuer d’user du missel de Pie v fut d’emblée perçue, puisque les premières demandes en ce sens apparurent dès la promulgation du nouveau missel24. Ce seul signe témoigne de la conscience, dans le Peuple de Dieu, que la licéité de l’usage de l’ancien missel ne saurait se présumer, mais requiert une autorisation du pape, du fait qu’il n’est plus l’expression normale ou ordinaire du rite romain. Et lorsque les pontifes romains successifs accordèrent cette faculté, loin de se contenter de constater et déclarer que l’usage de l’ancien missel était libre par lui-même, sans nécessité d’une autorisation, ils prirent soin d’accorder expressément cette faculté, en vertu de leur autorité suprême, en des proportions et selon des conditions qui ne cessèrent de varier au gré des circonstances. Jamais un seul pontife romain n’a laissé entendre qu’une expression extraordinaire du rite romain pourrait devenir ordinaire. Le principe de l’unicité du missel romain comme expression ordinaire du rite romain en serait offusqué. Encore fallait-il, pour aider les esprits à y voir clair et pour prévenir les abus, exprimer plus précisément le contraire, comme vient de le faire François.

Conclusion

Notre propos – on l’aura compris – ne vise pas à prendre parti dans le débat sur l’opportunité de l’usage du missel de Pie v  : faut-il le maintenir ou le supprimer, l’étendre ou le restreindre ? C’est là une question pratique et pastorale aux enjeux complexes, pour lesquelles les opinions peuvent légitimement s’exprimer dans leur variété et dont la détermination prudentielle ultime revient au pape. Nous avons seulement voulu préciser le cadre doctrinal à l’intérieur duquel le problème doit être posé, afin d’éviter qu’il ne se disperse et surtout ne s’envenime inutilement par débordement en dehors du champ de la vérité catholique. Autant un pontife romain a le pouvoir et le devoir, pour conduire prudemment le troupeau de l’Église à lui confié, de prendre des dispositions disciplinaires parfois différentes de celles prises par ses prédécesseurs, puisque ce que le pape fait dans un certain contexte, le pape peut le défaire dans un autre, autant un principe doctrinal peu à peu dégagé et explicité par le magistère de l’Église ne saurait varier au gré des époques. Tel est le cas de l’unicité du missel romain comme expression ordinaire du rite romain. C’est l’émergence de ce principe spécifiquement romain au xvie siècle, puis son élaboration accélérée ces dernières décennies, du fait des circonstances, que nous avons pensé utile d’analyser.

À constater tant la vigueur avec laquelle Pie v le formula que la pérennité avec laquelle il fut maintenu par ses successeurs et récemment mieux explicité par Benoît xvi et François, on imagine mal qu’il puisse être remis en cause, tant aujourd’hui que dans l’avenir. À moins d’un brusque renversement doctrinal, d’autant moins probable que peu conforme à la tradition du magistère catholique. Donc si, en vertu de ce principe, le missel romain actuellement en vigueur doit rester la seule expression ordinaire du rite romain, on ne voit pas qu’un missel qui n’en est qu’une expression extraordinaire puisse s’inscrire dans l’ordinaire, la norme et le temps long du rite romain, sauf à entendre l’extraordinaire comme un ordinaire, ce qu’un sain réalisme doctrinal se refusera toujours d’accepter.

Pour autant, cela ne préjuge en rien de la manière concrète de mettre en œuvre une expression extraordinaire du rite romain, en particulier quant à ses modalités, son extension, sa durée, laissée à l’appréciation prudentielle des autorités hiérarchiques, en premier lieu du pontife romain, selon les besoins des fidèles et le bien de toute l’Église. Une chose semble néanmoins certaine, enseignée tant par Benoît xvi que par François : toute remise en cause, fût-ce tacite, implicite et pratique, et à plus forte raison verbale, explicite et théorisée de la qualité du missel de Paul vi comme unique expression ordinaire du rite romain contreviendrait gravement à l’unité dans l’Église25. L’unité du rite romain, expression privilégiée de l’unité de foi autour du pontife romain, ne pourra jamais s’appuyer sur une autre expression ordinaire concrète que sur un unique missel romain, qui se trouve être aujourd’hui celui que promulgua Paul vi, non pas seulement par décision personnelle, mais ex decreto Concilii Oecumenici Vaticani ii, selon que le porte le titre officiel du nouveau missel26.

Le missel romain n’a certes pas achevé son histoire et connaîtra fort probablement bien d’autres révisions avant la Parousie, en particulier si un concile œcuménique le demandait, comme l’ont fait les Pères de Trente puis ceux de Vatican ii, ou plus simplement si un pontife romain souhaitait en enrichir le contenu par intégration de certains éléments vénérables empruntés par exemple au missel de Jean xxiii. Mais un concile œcuménique et moins encore un pape ne pourront jamais édicter des principes de révision de la liturgie contraires à ceux que la tradition vivante de l’Église a déjà fixés, en particulier ceux qu’édicta le concile Vatican ii. Leur mise en œuvre pourra rencontrer bien des résistances et prendre du temps ; leur vérité ne sera jamais remise en cause, non plus que la nécessité pour les pasteurs de veiller à leur application effective. Il n’y aura de retours en arrière ni doctrinaux ni liturgiques. Car toujours « cette tradition qui vient des Apôtres progresse dans l’Église sous l’assistance du Saint Esprit », de sorte que, par la proclamation de sa foi, la célébration de sa liturgie et sa communion dans la charité, « l’Église, tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu27 ».

Notes de bas de page

  • 1 François, Lettre apostolique en forme de motu proprio Traditionis custodes, 16 juil. 2021, art. 1.

  • 2 Benoît xvi, Lettre apostolique en forme de motu proprio Summorum Pontificum, 7 juil. 2007, art. 1, Doc. cath. 2385 (2007), p. 702-704, ici p. 703.

  • 3 Cf. Benoît xvi, Discours à la Curie romaine, 22 déc. 2005, Doc. cath. 2350 (2006), p. 56-63, ici p. 59-60 ; H. Donneaud, « Chap. 21. Le débat sur l’herméneutique du Concile », dans Histoire et théologie. Thomiste en dialogue, xixe-xxe siècle, Nancy, Arbre bleu Éd., 2021, p. 453-467.

  • 4 Benoît xvi, Lettre aux évêques pour présenter la lettre apostolique en forme de motu proprio Summorum pontificum, 7 juil. 2007, § 5, Doc. cath. 2385 (2007), p. 705-707, ici p. 705.

  • 5 Le théologien se doit d’être attentif au piège des mots et prévenir ceux qui pourraient s’y laisser prendre. L’adjectif « extraordinaire » ne saurait être entendu, sous la plume de Benoît xvi, qu’en son sens premier et fondamental, comme une exception à l’ordre des choses, non en une acception dérivée, devenue courante et en l’occurrence trompeuse : est dit extraordinaire ce qui est remarquable, admirable, éminent, supérieur. La forme extraordinaire serait alors perçue comme l’expression supérieure et éminente du rite romain. On devine la dérive plus ou moins consciente qui en découlerait. Gilles Drouin signale « les ambiguïtés sémantiques qui ont pu laisser entendre que ce qui est extraordinaire est forcément mieux que ce qui est ordinaire » (G. Drouin, « Fin de récréation », Doc. cath., 8 sep. 2021, <https://doc-catho.la-croix.com/Traditionis-custodes-Le-motu-proprio-fait-reagir-pere-Drouin-directeur-lInstitut-superieur-liturgie-2021-09-08-1201174386>, consulté le 29 sep. 2021).

  • 6 Paul vi, Audience générale du 19 novembre 1969, Doc. cath. 1552 (1969), p. 1056.

  • 7 Jean-Paul ii, Lettre apostolique Ecclesia Dei, 2 juil. 1988, Doc. cath. 1967 (1988), p. 789.

  • 8 Réponse de Mgr Re à M. Éric de Saventhem, 17 jan. 1994, citée dans C. Geffroy, P. Maxence, Enquête sur la messe traditionnelle, Montfort l’Amaury, La Nef, 1998, p. 385.

  • 9 François, Lettre explicative aux évêques du monde entier pour la présentation du motu proprio Traditionis custodes, 16 juil. 2021, § 9.

  • 10 Paul VI, Lettre à Mgr Marcel Lefebvre, 11 oct. 1976, Doc. cath. 1710 (1976), p. 1056-1061, ici p. 1059 : « Pour les catholiques de rite romain, l’Ordo missae est un signe privilégié de leur unité. »

  • 11 Benoît xvi, Dernières conversations avec Peter Seewald, Paris, Fayard, 2016, p. 230.

  • 12 CÉC 1345.

  • 13 Preuve a contrario et par l’absurde de la difficulté à concevoir que le rite romain puisse être exprimé au même moment par plusieurs missels romains différents, cf. la thèse de Klaus Gamber, La réforme liturgique en question, s.l., Éditions Sainte-Madeleine, 1992, p. 27-30, selon laquelle le missel de Pie v exprimerait le « ritus romanus » alors que le celui de Paul vi exprimerait le « ritus modernus », c’est-à-dire un rite qui ne serait plus primo et per se spécifié par sa qualité romaine. Comme si le rite romain pouvait ne pas être d’abord et formellement celui que pratiquent in actu l’Église romaine et son pontife. Car l’essence du rite romain n’existe nulle part ailleurs in actu que là où l’on célèbre selon l’ordo romanus, c’est-à-dire en conformité avec la tradition vivante et l’usage actuel de l’Église romaine, en laquelle le rite romain trouve depuis bientôt deux mille ans et pour tous les âges sa réalisation première, exemplaire et normative.

  • 14 Si marqués qu’ils aient pu être par l’influence romaine, comme le lyonnais, ces rites locaux ne sont pas le rite romain, n’ayant jamais été en usage dans l’Église de Rome. Que coexistent de nombreux rites d’inspiration romaine n’a jamais porté atteinte à l’unicité du rite romain.

  • 15 Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium 3-4.

  • 16 Cf. J.-A. Jungmann, Missarum sollemnia, t. 1, coll. Théologie 19, Paris, Aubier, 1951, p. 166-177.

  • 17 St Pie V, Quo primum tempore, 14 juil. 1570, dans Magnum bullarium romanum, Turin, Dalmazzo, 1862, § 2 et 3, p. 839-840.

  • 18 « Concile de Trente, Session xxv (3-4 déc. 1563), Décret sur l’Index, le catéchisme, le bréviaire et le Missel », dans G. Alberigo (dir.), Les conciles œcuméniques, t. ii-2, Paris, Cerf, 1994, p. 1619. Cf. H. Jedin, Il concilio di Trento, t. iv-2, Brescia, Morcelliana, 1981, p. 342-348.

  • 19 Le principe énoncé par Pie v n’exige pas que tous, dans l’Église latine, usent du rite romain, mais que tous ceux qui célèbrent selon le rite romain (et non selon un autre rite, même dérivé du rite romain comme le lyonnais ou le dominicain, chacun d’eux ayant son missel propre), usent d’un unique missel qui est le missel romain actuellement approuvé comme tel par le Siège apostolique. Même si cela serait théoriquement possible, on peine à imaginer que le missel de Pie v devienne l’expression ordinaire d’un rite autre que le romain, dans le cadre d’une Église ou communauté rituelle propre.

  • 20 St Paul vi, Constitution apostolique Missale romanum, 3 avr. 1969, no 13.

  • 21 Cf. J.-A. Jungmann, Missarum sollemnia (cité n. 16), p. 179 : « L’innovation la plus importante et la plus lourde de conséquence que renfermait le Missel de Pie v était une disposition exprimée dans la Bulle d’introduction : ce livre était dorénavant l’exemplaire type de toutes les Églises et l’on ne devait plus rien y changer. »

  • 22 J. Ratzinger, Ma vie. Souvenirs (1927-1977), Paris, Fayard, 1998, p. 132. Benoît xvi a par la suite amendé cette affirmation dans Summorum Pontificum, art. 1, en précisant que le missel de Jean xxiii n’a « jamais [été] abrogé ». Il faut là encore préciser : certes, le missel de Jean xxiii n’a jamais été abrogé, puisqu’on n’abroge pas un missel, mais la constitution Missale romanum de Paul vi a bel et bien modifié la disposition de Quo primum tempore par laquelle Pie v rendait obligatoire son missel, en vertu du principe fondamental du droit de l’Église actuellement exprimé dans le canon 20 (canon 22 du code de 1917) : « Une loi nouvelle abroge la précédente ou y déroge si elle le déclare expressément. » Ce que Paul vi avait soigneusement fait à la fin de Missale romanum, no 14 en déclarant : « Nous voulons que ce que nous avons établi et prescrit, maintenant et à l’avenir, soit et reste ferme et efficace, nonobstant, en tant que de besoin, les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par nos prédécesseurs. » Par là-même, le pape substituait la nouvelle édition du missel romain à l’ancienne comme expression ordinaire du rite romain. Cf. également le canon 53 : « Si des décrets se contredisent, (…) le plus récent modifie le premier en ce qui lui est contraire. »

  • 23 Congrégation pour le culte divin, Instruction sur l’application progressive de la constitution apostolique Missale romanum, 20 oct. 1969, no 7, Doc. cath. 1551 (1969), p. 1007-1008, ici p. 1007.

  • 24 Cf. Réponse de la Congrégation du Culte Divin aux questions de l’Ordre des chevaliers de Notre-Dame, 11 juin 1970, Doc. cath. 1568 (1970), p. 716. Cf. aussi l’Indult accordé par Paul vi en 1972 à la demande de personnalités du monde de la culture et de l’art pour que le missel de Pie v puisse être utilisé en Angleterre avec l’accord de l’évêque diocésain, Doc. cath. 1602 (1972), p. 147.

  • 25 Cf. Benoît xvi, Lettre aux évêques pour présenter la lettre apostolique en forme de motu proprio Summorum pontificum (cité n. 4), p. 707 : « Pour vivre la pleine communion, les prêtres appartenant aux communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent, bien entendu, pas non plus exclure la célébration selon les nouveaux livres par principe. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait en effet pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté. » Benoît xvi parle bien ici du « nouveau rite » romain, non de sa seule forme ordinaire.

  • 26 Cf. Sacrosanctum concilium 50 : « Le rituel de la messe sera révisé de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de chacune de ses parties, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles. »

  • 27 Constitution dogmatique Dei Verbum 8.

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